Technologie - Technique

Les laboratoires fabuleux

5 minutes

C’est quoi, un Fablab ?

Le premier Fablab (fabrication laboratory) français s’ouvre à Toulouse en 2009. Depuis, on en compte environ 400 dans le pays, ce qui le placerait en seconde position, juste derrière les États-Unis. Initié par un professeur du MIT* dénommé Neil Gershenfeld, le concept de Fablab s’inspire de la culture libre des hackeurs. On y partage l’espace, l’équipement et le savoir-faire. C’est un endroit où l’on fabrique des objets, grâce à un matériel de commande numérique en libre-service. Les deux principes phares sont : matériel à disposition et circulation des connaissances. Les fablabs organisent ateliers et formations afin que les visiteurs deviennent des utilisateurs éclairés des machines telles que l’imprimante 3D ou encore la fraiseuse numérique.

Fresque murale de la terrasse de Coh@bit

Liberté de créer, devoir de transmettre

Pour entrer dans la famille, il faudrait respecter une charte édictée par le fameux MIT. Chaque aspirant Fablab doit s’évaluer sur ces quatre critères : l’accessibilité, l’engagement envers la charte, le partage des outils et des processus utilisés, la contribution au réseau mondial de la Fab Academy. « C’est plus un contrat moral, estime Clément Pasquet, manager du Fablab Le 127° de Cap Sciences (à Bordeaux). Il s’agit d’un label, attribué par un autre FabLab qui procède à l’évaluation, mais c’est une charte libre, largement interprétable ».  Pour Jean-Baptiste Bonnemaison, fabmanager de Coh@bit, à Gradignan : « avec 1 000 euros et trois imprimantes 3D dans ses locaux, on peut se déclarer Fablab. Encore faut-il le faire vivre ! » nuance cet ancien étudiant de l’IUT adjacent. Ok, la charte n’est pas si restrictive que cela, et c’est peut-être tant mieux. Mais la question de l’accessibilité reste cruciale pour ces lieux qui manient des objets inconnus et indomptés du grand public.

« Nous encourageons vivement nos abonnés à documenter leurs travaux sur notre plateforme dédiée, nous confirme Clément Pasquet. Notre modèle économique est lié à ça, c’est-à-dire que plus les projets sont documentés et partagés sur le net, moins l’abonnement au Fablab sera cher » explique-t-il. Chez Coh@bit, le fabmanager nous rassure : « Nous travaillons à l’élaboration d’un site où figurera la liste de tous les projets, munis d’une sorte de feuille de route, avec les fichiers et programmes correspondants. Quand le site sera terminé, alors nous pourrons nous inscrire dans cette démarche de contribution mondiale qui figure dans la charte du MIT ». Avant de parler de contribution mondiale, demandons-nous d’abord qui peut bien passer la porte d’un fablab, et avec quelle idée en tête ?

Installation d’un bloc de bois dans la fraiseuse numérique de Coh@bit

« Ce sont souvent des retraités ou des étudiants, car ils ont du temps libre, analyse J-B. Bonnemaison. Ils viennent avec un projet en tête qu’ils ne savent pas comment réaliser. Notre rôle est de les accompagner dans l’aboutissement de ce projet. Par exemple, un ingénieur à la retraite est venu nous trouver avec une idée de sous-marin miniature tout électronique, se souvient-il. Nous avons aussi travaillé avec un ingénieur de l’INRA sur le projet d’une machine qui aiderait à limiter la présence de pesticides dans les vignes par la détection de spores et de champignons dans l’air. » Chez Cap-Sciences, on s’affiche moins geek en revendiquant une ouverture tout-public, inhérente à l’identité de la structure. « Notre programmation se veut ouverte et gratuite à tous, déclare fièrement Clément Pasquet. Nous sommes ouverts jeudi, vendredi et samedi. La location des machines en atelier est payante, mais nous faisons des Open Lab vingt fois par an, où toute personne formée ou accompagnée d’un abonné peut manipuler nos machines gratuitement ».

Découpe laser utilisée par une makeuse abonnée de Coh@bit

Infernales

Les machines, parlons-en. Même le plus novice des novices a entendu parler de l’imprimante 3D, incarnation du futur et de la magie technologique. C’est du moins la plus populaire, si bien que, selon Clément Pasquet, elle devrait sortir bientôt des Fablabs pour aller dans les foyers. « Son coût a trop baissé, je n’en ai pas loué depuis un an, calcule-t-il. Le but d’un fablab est de mettre à disposition des machines soit trop chères, soit trop compliquées ou pas encore au point. » Et elles impressionnent, ces machines chères et complexes. La fraiseuse numérique de Coh@bit ou la brodeuse numérique du Fablab Sew & Laine (spécialisé dans le textile) en imposent par leurs tailles corpulentes et la minutie de leurs rendus. Pour Clément Pasquet, la prochaine machine-star du numérique, qui rentrera à son tour dans nos maisons, est la découpe laser. Après avoir observé une makeuse de Coh@bit produire huit porte-couteaux gravés et découpés dans du Plexi en neuf minutes chrono, on veut bien le croire. « Nous avons des artisans maroquiniers qui ont découvert le temps qu’ils gagnaient avec ces machines en venant travailler ici leurs créations, relate J-B Bonnemaison, mais notre rôle n’est pas de produire tous leurs sacs ! ». Car il ne faut pas confondre usine et Fablab. Ici, on apprend, on expérimente, on accompagne, on aide le voisin. « Chaque Fablab suit une orientation singulière, selon l’institut qui le porte, argue l’employé de Cap-Sciences. Pour nous, il doit constituer une plateforme ressource sur le territoire, pour favoriser la montée en compétence des visiteurs sur l’utilisation des objets numériques » résume-t-il. Une vision qui colle à l’histoire du lieu, crée sur un appel à projet pour réduire la fracture numérique.

Moralité, même si la charte est souple et qu’aucun ne ressemble à l’autre, l’objectif commun des fablabs reste d’inventer avec le numérique des outils pour la communauté de demain.

Nathalie Troquereau

*MIT : Massachussets Institute of Technololy

Imprimante 3D en action

Nathalie Troquereau

Nathalie Troquereau

Journaliste, rédactrice de contenus pour Médias-Cité.

SUR LE MÊME THÈME