Depuis le 10 juin, la base sous-marine de Bordeaux est officiellement le plus grand centre d’arts numériques du monde, dixit Culturespaces, ses nouveaux gestionnaires. L’exposition consacrée à l’œuvre du peintre Gustav Klimt propose une toute nouvelle approche muséale, dont l’expérience se rapproche du spectacle sons et lumières. Une réussite.
Souvent, quand on va au musée, on s’équipe. Certains embarquent un petit carnet de notes, d’autres chargent leurs batteries pour photographier les œuvres, les plus artistes s’arment de crayons et carnet de croquis… Voilà des rituels à balayer pour se rendre aux « Bassins de Lumières », plus connu sous le nom de base sous-marine. L’espace offre un parcours aussi atypique que monumental. Culturespaces, qui a remporté l’appel à projets de la mairie de Bordeaux pour la gestion du lieu (la ville reste propriétaire) a opéré quelques changements pour faciliter le parcours. Des passerelles ont été construites autour des vastes bassins de la base, aux abords desquels le visiteur déambule durant l’exposition. On a aussi tendu des bâches noires, afin de pouvoir projeter des images sur les murs du fond. Le lieu compte quatre alvéoles qui correspondent à quatre espaces d’expositions. Celle consacrée à Klimt défile sur les murs pharaoniques du bâtiment et se reflète dans l’eau obscure des bassins, donnant aux images des allures irréelles.
« La plus grande exposition multimédias au monde »
C’est du moins ce qu’affirme Augustin Cointet, le directeur de l’espace bordelais, à la tête de Culturespaces Digital. Les chiffres impressionnent, il faut bien en convenir. Quatre bassins de 110 m de long, de 22 m de large et 12 m de hauteur. 12 000 m² de surface de projection, 3 000 m² de surface de déambulation, 90 vidéos projecteurs (« que des LEDS », nous informe le directeur), 80 enceintes, 100 km de fibre optique et 25 médias-serveurs qui coordonnent les images. Une technique monstrueuse qui n’est jamais visible. Le visiteur est littéralement propulsé dans l’œuvre du peintre Viennois, l’or de ses toiles jaillit de toute part, accompagné de mouvements musicaux puissants synchronisés avec l’image. Les premières minutes, l’émotion est presque trop forte. Il faut s’habituer à tant de gigantisme et de beauté animés. Au détour d’un bassin, on découvre la Citerne, une sorte de dôme niché dans l’exposition, qui immerge le visiteur dans des proportions plus réduites. Hors du parcours des bassins, les nouveaux locataires de la base ont créé le Cube, un espace étanche aux grandes expositions temporaires. On y découvre des œuvres multimédias d’artistes locaux car l’espace se veut dédié à la jeune création en général, en ménageant une place pour celle du cru. Cette année, le collectif bordelais Organ’Phantom y expose aux côté du collectif international OUCHHH.
Exposition revisitée
L’expérience marque le corps, secoué de musique, et l’esprit, submergé d’images. Mais où sont passés discours et repères historiques ? Le parti pris est clair : le moins d’écrit possible. Quelques cimaises explicatives jalonnent les passerelles mais ne sont pas mises en avant. Elles semblent avoir été installées pour les bons élèves qui feront l’effort de rater deux minutes de spectacle pour lire trois lignes d’Histoire de l’art. L’approche rompt avec la tradition et préfère noyer le visiteur sous un flot de couleurs, plutôt qu’une avalanche d’informations. Celui qui est venu apprendre sur le peintre n’est-il pas lésé ? Pas du tout, nous assure Augustin Cointet : « Le musée traditionnel fait appel à l’intellect en premier lieu. Ici, on appelle d’abord le sensoriel. Notre approche est plus spontanée et si ça créé un manque chez le visiteur, tant mieux. Nous sommes dans une démarche complémentaire et non concurrente des autres musées. Si en sortant, les gens ont envie d’aller au musée pour en savoir plus sur Klimt ou la peinture, ça veut dire qu’on a réussi ! ».
Lire l’interview d’Augustin Cointet, directeur de Culturespaces Digital
Crédit photos © Culturespaces Anaka Photographie.