Interview d’Augustin Cointet, directeur de Culturespaces Digital
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La définition d’art numérique est hybride. Est-ce qu’on peut vraiment appeler ça de l’art numérique dans la mesure où tout est tiré d’œuvres classiques existantes ?
A.C : L’art vidéo a plusieurs définitions, l’art immersif et l’art numérique aussi. Mais il s’agit ici d’œuvres numérisées avec des procédés digitaux : beaucoup de simulation 3D, de projection numérique, une ferme de graphistes, un an de préparation. Mais on se concentre sur le créatif, pas le technique. Une expo comme celle-ci c’est 98 projecteurs, une cinquantaine d’enceintes, 25 médias-serveurs qui coordonnent l’image.
Il y a peu d’informations sur l’artiste et le détail des œuvres comme dans une exposition classique. Le parti pris est spectaculaire, nouveau, mais n’avez-vous pas peur que les visiteurs non-initiés soient frustrés ou désemparés à certains moments, faute de contenus explicatifs ?
A.C : Pas du tout. Le musée traditionnel fait appel à l’intellect en premier lieu, ici, on appelle d’abord le sensoriel. L’approche proposée est plus spontanée. Et si ça créé un manque chez le visiteur, tant mieux. Nous sommes dans une démarche complémentaire et non concurrente des autres musées. Si en sortant, les gens ont envie d’aller au musée pour en savoir plus sur Klimt ou la peinture, ça veut dire qu’on a réussi.
Comment Culturespaces s’est-elle retrouvé à la tête de la base sous-marine ?
A.C : Culturespaces existe depuis 30 ans. L’entreprise est née pour conseiller les musées qui souhaitaient valoriser leurs parcours. Depuis le début, notre marque de fabrique est de placer le visiteur au centre. On a beaucoup travaillé avec le musée Jacquemart-André à Paris, avec le Théâtre d’Orange et d’autres. Puis nous avons commencé cette activité aux Baux-de-Provence avec les Carrières de Lumières. Nous choisissons toujours des bâtiments qui ont une identité forte, et nous avons eu un coup de foudre pour ce lieu grandiose qu’est la base sous-marine. La mairie a lancé un appel à projets que nous avons remporté.
Le public de vos expositions est-il différent de celui qui fréquente les musées traditionnels ?
A.C : Nous avons beaucoup de jeunes et recevons un public qui n’est pas forcément assidu aux musées. En fait, les deux-tiers qui viennent n’ont jamais mis les pieds au musée. Nous sommes aussi une Fondation dont la mission est de permettre l’accès à l’art aux enfants défavorisées, autistes, malades. Nous menons une double action en partenariat avec l’Éducation Nationale. Nous allons dans les écoles faire de la médiation sur les œuvres et les artistes en amont de l’exposition. En terme de tarifs, nous tenions à rester accessibles. Le plein tarif est à 13,50 €, et nous proposons des tarifs familiaux, sociaux, etc.
La situation sanitaire vous a contraints à ouvrir vos portes plus tard que prévu. Combien de visiteurs attendez-vous, combien pouvez-vous en accueillir en temps normal et en plein Covid ?
A.C : L’espace fait plus de 11 000 mètres carrés. Notre objectif s’élève à 350 000 visiteurs par an, sachant que chacun dispose ici de 5 à 6 mètres carrés pour lui. Notre jauge en temps normal serait de 885 personnes. Là, elle est restreinte à 199 personnes maximum, mais qui peuvent rentrer toutes en même temps dans l’espace d’exposition.
Vous avez ouvert trois lieux en cinq ans, allez-vous garder ce rythme ? Quels sont les prochains projets ?
A.C : Nous en avons plusieurs. Il y aura certainement un beau projet à New-York, Manhattan. Ce sera dans une ancienne banque du XIX ème siècle, un de ces immenses bâtiments avec de grandes colonnes de marbre. Il y aura aussi un projet à Dubaï…
Propos recueillis par Nathalie Troquereau