Culture - Art

Le FRAC ou l’art à portée de clic

5 minutes
Récap’

Tout d’abord, clarifions. La MECA*, nouveau bâtiment bordelais à l’architecture lumineuse et colossale abrite trois entités : l’ALCA, l’OARA et le FRAC. Les trois acronymes se partagent ces locaux qui feraient aimer la vie de bureau à n’importe quel sauvage misanthrope. Le FRAC, Fond Régional d’Art Contemporain, semble avoir gagné l’espace d’exposition que sa collection méritait. Au-delà de son rôle de musée régional public, le FRAC a pour mission de faire connaître, vivre et voyager cette collection d’art à travers le territoire. Créés en 1982 sous l’impulsion de l’infatigable Jack Lang, les FRAC devaient permettre aux régions (outre leur soutien aux artistes), de se doter d’art contemporain pour le présenter à leurs habitants, sans que ceux-ci aient besoin de se rendre à Paris. Décentraliser, démocratiser, ouvrir. Nous sommes en 2020 (ou presque) et rendons-nous à l’évidence, l’entreprise de démocratisation et de décentralisation de l’art contemporain a montré ses limites. La plupart des gens ignore la signification des lettres FRAC, et connaissent encore moins la collection d’art, sensée appartenir à tous, puisqu’elle est publique. De plus, l’art souffre d’un présupposé élitiste depuis des décennies, si bien que l’idée semble ancrée comme une mauvaise herbe dont on n’arrive pas à se débarrasser.

Le FRAC a ouvert une chaîne YouTube aux contenus ludiques, qui répond avec humour aux questions que tout le monde se pose au musée. En voici une pastille.

Le FRAC Nouvelle-Aquitaine a déménagé dans l’écrin attractif et visible de la MECA. Il a changé son identité graphique, communiqué massivement sur ces actions et événements. Il a même ouvert, début décembre, un site Internet dénommé « Expopopup » qui permet à chacun, depuis son ordinateur, de créer sa propre exposition à partir d’œuvres de la collection numérisées en 3D. Et si la technologie de la 3D, et le numérique connecté en général, permettaient de se rapprocher du grand public, voire de se réconcilier avec lui ?

Désacraliser

Avant de s’intéresser de plus près à ce dispositif quasi futuriste pour un musée, notons que tous les FRAC de France ont entamé un travail de numérisation de leurs collections, archivées sur le site Navigart. Le FRAC néo-aquitain se montre bon élève puisque 1212 œuvres sont consultables sur une collection d’environ 1250 pièces. Si bon élève qu’il décide de modéliser 13 d’entre elles en 3D, afin de développer le projet de site Expopopup.

« Grâce à la 3D, on désacralise et on peut se permettre des choses qu’on ne pourrait pas faire ailleurs, estime Iloé Lafond, chargée du projet. Tout le monde ne peut pas se déplacer au musée, pour des raisons d’éloignement géographique, d’autocensure ou autres. Via le numérique, on peut toucher les gens partout. » Expopopup permet au visiteur web de s’approprier les œuvres et d’inventer un univers avec elles. Tout en créant, il apprend leur parcours comme leurs spécificités, il s’initie à la scénographie en les disposant dans l’espace virtuel proposé. Le mobilier pour présenter les œuvres est imposé, la taille de la pièce aussi. Un choix, nous explique Iloé : « On ne peut pas choisir la couleur des murs ni les supports d’exposition. Les contraintes sont aussi données pour faire comprendre le métier de commissaire d’exposition, et puis, la contrainte est source de créativité ! ».

No-No Gadget

Comment ça marche ? Il faut créer son compte sur le site éponyme. Puis, choisir les œuvres que l’on veut mettre dans son expo et les disposer. On trouve un titre, on écrit une petite note d’intention si on le souhaite. On peut ensuite ajouter des fichiers musique et des fichiers textes ou photos, qui viennent s’ajouter à l’exposition virtuelle. Cette installation ne sera visible que par vous. L’accès est privé, sauf pour les scolaires avec qui le FRAC travaille assidûment. « Nous travaillons avec quatre classes sur toute l’année 2019-2020 avec Expopopup. Chacune a ses méthodes mais leurs expositions seront visibles sur le site par tous. » Implication et mise en lumière, de quoi motiver les jeunes. « Il faut vivre avec son temps. Nous nous sommes inspirés de la manière dont les sites connus présentent les vêtements (on peut zoomer dessus, les retourner dans tous les sens) pour présenter les œuvres. On a fait pareil, ce qui permet de voir des détails qui sont d’habitude invisibles, comme un signet peint sur le socle d’une œuvre » explique Iloé Lafond. Mais la chargée de projets tempère notre enthousiasme, inquiète d’une possible gadgetisation de l’art. « Les nouvelles technologies, les réseaux sociaux ou YouTube, que nous utilisons beaucoup ici, sont de très bons outils de démocratisation. Mais il faut faire attention à ne pas faire du numérique pour du numérique, de la 3D pour la 3D. Cela pourrait donner de mauvaises habitudes, car il y a un espace où on peut manipuler les œuvres, où on se fait plaisir, et un espace du regard (le musée). La numérisation ne remplacera jamais la rencontre avec l’œuvre » conclut-elle, formelle. Notre conseil : aller visiter tous les musées, les virtuels comme les vrais.

Nathalie Troquereau

*MECA : Maison de l’Économies Créatives et de la Culture en Nouvelle-Aquitaine

Image de Une : Vue le la MÉCA conçue par l’architecte Bjarke Ingels, crédit photo : Laurian Ghnitoiu

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Nathalie Troquereau

Nathalie Troquereau

Journaliste, rédactrice de contenus pour Médias-Cité.