Millenial burn-out, (Petit) Guide de survie sur Instagram, Les Possédés – Comment la nouvelle oligarchie de la tech a pris le contrôle de nos vies… Les éditions Arkhê proposent avec leur collection « Vox » de dépoussiérer la sociologie à grand renfort de ton LOL et de références pop. Leurs couv’ au graphisme tendance et aux titres humoristiques attirent l’œil du trentenaire sagement schizophrène, qui adore savoir pourquoi il est accro à son smartphone en lisant des livres qui expliquent pourquoi il ne lit plus. L’approche est maligne. En parcourant les ouvrages en question, le contenu se révèle bien plus sérieux qu’annoncé. Les livres de Vox offrent un discours de sociologie accessible, nouveau et solide. Déconstruction du mythe de la génération millenial, qui tire ses origines en 68, première génération marketée et fantasmée depuis, ou encore, les preuves que la tech a remplacé la religion dans nos cœurs athées avides de croyances… Bref, des livres aux révélations sociologiques d’utilité publique, puisqu’elles créent soit l’adhésion, soit le débat d’idées.
Éditions d’actualités
Fondée il y a dix ans par Johann Visentini, les éditions Arkhê se veulent « passerelles entre la recherche universitaire et la société civile » explique le père de la maison. Pourtant, beaucoup de ses auteurs sont journalistes plutôt que chercheurs. On retrouve notamment des plumes de GQ, Stylist, Ouest-France ou encore Silex I-D. Sauf que, ces plumes peut-être ignorées par un certain public, se révèlent aussi brillantes que drôles, menant des réflexions au long cour sur des sujets aux contours ardus. Selon l’éditeur, la présence accrue de journalistes et réduite de chercheurs est due à deux choses concomitantes :
« Ceux qui veulent faire carrière dans la recherche doivent récolter des points avec leurs publications, et celles de vulgarisation comme les nôtres n’en rapportent pas. Nombre d’entre eux se retrouvent à saucissonner leur thèse en quinze articles dans des revues scientifiques pour gagner ces fameux points. Au final, leurs recherches ne circulent pas en dehors du monde académique et surtout (assez souvent hélas), ils n’en commencent pas de nouvelles. D’un autre côté, la presse s’effondre petit à petit, par manque de lecteurs et asphyxiée par la monétisation à outrance du trafic internet, réduisant les journalistes à bâtonner *1 des dépêches AFP et à écrire du publi-rédactionnel *2. Nous, nous sommes encore prêts à financer des enquêtes d’un ou deux ans pour les publier après, sous forme de livre. On ne gagne pas beaucoup d’argent avec, mais pour la qualité, il faut savoir faire des sacrifices. »
La Bête et la Tech
Comprenez bien : la presse est morte, vive le livre ! L’édition est devenue un refuge pour les journalistes frustrés de ne plus pouvoir exercer leur travail correctement, sur un temps long. Et à l’édition de récupérer les sujets d’actualités qui noircissent plus traditionnellement des colonnes que des pages. En tête de liste, les dangers de la tech omnipotente voire omnisciente, sur notre société et nos cerveaux. Alors, n’est-ce pas un peu vivre sur la Bête ? demande-t-on innocemment au jeune patron d’Arkhê. « On n’a pas d’autre choix que de vivre dessus car on ne peut pas parler d’un monde qui n’existe pas. On propose de l’analyser et de déconstruire, pour développer l’esprit critique des lecteurs » envoie Johann Visentini sans hésitation. Et de l’esprit critique, chers amis, il va nous en falloir. Johann nous apprend que la New York Public Library se met à diffuser les romans classiques sous forme de story sur son Insta. Et que ça cartonne. Ce (Petit) Guide de survie sur Instagram pourrait bien devenir une lecture imposée pour 2020.
Nathalie Troquereau
1 – bâtonner une dépêche : signifie dans le jargon journalistique réécrire, retoucher ou écourter le texte d’une dépêche, en l’occurrence AFP, pour le publier à son tour, sans signature. C’est une pratique très courante.
2 – publi-rédactionnel : se dit d’un article qui a été rédigé suite à un accord commercial avec une marque quelconque, et qui vante ses mérites sous la forme d’un article de presse classique. Le mot publi-rédactionnel est souvent inscrit en haut ou en bas de page, celle-ci peut avoir une couleur différente pour bien indiquer au lecteur qu’il s’agit de publicité écrite.
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