Culture, Libre

DATAMANIA, le vol de nos données illustré

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Premiere de couv de la BD DATAMANIA illsutree par Hlafbob chez dunod graphic. on voit Audric Gueidan, le heros, marcher avec un telephone dans la main
Après nous avoir plongé dans l’histoire du jeu vidéo tout en nous apprenant comment fabriquer notre propre console, le médiateur numérique Audric Gueidan (qui a dix vies parallèles) nous propose une virée dans le cosmos numérique. L’auteur signe chez Dunod Graphic la BD « DATAMANIA – Le Grand pillage de nos données personnelles », une odyssée du libre très personnelle, drôle et instructive. Les illustrations de l’artiste HalfBob apportent l’humour et la fraicheur nécessaires à un sujet qui pâtit de son aspect inaccessible.

Logiciels libres, open source, GAFAM et données personnelles sont racontés au travers des pérégrinations d’Audric, personnage central qui va, au gré de ses rencontres avec ses amis, sa famille et ses collègues, avoir l’occasion d’expliciter concrètement des concepts jugés obscurs par une majorité de personnes. Et quand il n’explique pas aux autres, c’est lui qui découvre les planètes cachées où vivent les adjuvants des internautes mais surtout les ennemis mortels de leurs droits. En convoquant les codes de la science-fiction, le voyage imaginé par les deux auteurs n’est pas si invraisemblable qu’il n’y paraît…

Tout commence par une virée shopping cauchemardesque, où les vendeurs exigent d’Audric qu’il mange les cookies de bienvenue avant de regarder la marchandise. Au bout du troisième plat de cookies, le héros commence à se sentir oppressé, voire forcé. Il finit par s’enfuir, pourchassé par ces créatures patibulaires.

Audric va prendre une fusée et rencontrer le grand Gnu/Linux, roi du système libre, un allié nommé Swartz, une armée de pouces bleus et d’autres personnages qui font tous référence à des entités du monde numérique bien réelles. Mais attention, pas d’élitisme ici. Tout sera expliqué à la fin de l’ouvrage, où on trouve même quelques tutos (déformation professionnelle oblige).

« Je voulais viser le plus grand nombre possible : enfants, ados, seniors… L’objet de cette BD est vraiment de faire de la vulgarisation et de donner des conseils sur un sujet touffu, déclare l’auteur. Pour ce qui est des codes de la SF, j’avais envie que mon personnage voyage, un peu comme pour un road trip. Mon bonhomme prend une fusée qui l’amène de planète en planète, comme on voyage de site en site quand on va sur Internet ! Je trouve que la SF permet d’aller plus loin dans l’exploration des choses. »

Chaque notion de base, comme par exemple le chiffrement, est associée à une planète. Audric dialogue avec son ordinateur qui l’amène sur Kryptos, où des cadenas s’expriment dans un langage incompréhensible pour le commun des mortels, simples touristes dans ce voyage intergalactique. On croise de manière récurrente des pirates, affublés du cache œil et bandanas de rigueur sauf qu’ici, le trésor n’est pas un collier de diamants mais bien nos données personnelles.

« J’aimais bien cette idée de pirates. C’est en partie une référence au film des Monty Python « The Crimson Permanent Assurance », où les employés d’une entreprise deviennent des pirates et où tout s’écroule. J’aimais l’idée que ce soit en décalage avec l’aspect futuriste de la BD et avec le cliché du hacker habillé en noir, une capuche sur la tête. On donne toujours une image très négative des hackers, or ici, on parle de pirates, pas de hackers justement, nous précise le médiateur-voyageur. »

Dans ce journal de bord d’un voyage au cœur du numérique, Audric, fanboy d’Apple repenti, revient sur plusieurs affaires et anecdotes marquantes qui illustrent le « pillage » de nos données. On retrouve le scandale Cambridge Analytica, raconté à son copain dont les yeux ne cessent de s’élargir et qui promet à la fin de fermer tous ses comptes de réseaux sociaux. L’auteur nous rapporte aussi comment le site anglais Game Station a récolté des milliers d’âmes d’utilisateurs, en leurs faisant signer leurs Conditions Générales d’Utilisation, dans lesquelles ces derniers s’engageaient à vendre leur âme en les acceptant. Une farce destinée à prouver que nous signons à longueur de journée sur le net des contrats que nous ne lisons pas.

Toutes ces histoires (vraies) auraient dû faire changer l’opinion publique en faveur du libre. Pourtant, aucune n’a eu raison de nos habitudes dociles auprès des GAFAM et autres sites. Pourquoi ? Philosophe, Audric répond que « l’humain, globalement, a la flemme. » Alors, lisons tous « DATAMANIA » pour arrêter d’avoir la flemme de protéger nos droits !

« DATAMANIA – Le Grand pillage de nos données personnelles », de Audric Gueidan et Halfbob, chez Dunod Graphic, sortie en librairie le 15 mars 2023

https://www.dunod.com/collection/dunod-graphic

Nathalie Troquereau

Toutes les illustrations sont issues de DATAMANIA, d’Audric Gueidan, illustré par Halfbob et publié chez Dunod Graphic.

Image de Nathalie Troquereau

Nathalie Troquereau

Journaliste, rédactrice de contenus pour Médias-Cité.