En cette année 2020 consacrée au 9ème art, les initiatives fleurissent, à l’instar de l’application BDnf. Lancé par la Bibliothèque Nationale, cet outil libre d’accès et simple d’utilisation permet de créer sa propre BD, sans compétences particulières. Une occasion de découvrir le patrimoine iconographique de la BNF, de se familiariser avec les modes de narration, et surtout, de s’amuser à créer ses propres planches. C’est Yannis Koikas, chef du service des Éditions multimédias de la BnF, qui en a eu l’idée. Il nous en dit un peu plus sur les origines et les missions du projet.
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Est-ce un outil à l’usage des scolaires ou de tous ?
Y.K : À l’origine, c’est la réponse à un appel à projets de l’Éducation Nationale* pour des « services innovants numériques ». Il a été pensé pour des enfants et élaboré en étroite collaboration avec des professeurs qui ont testé l’outil dans leurs classes. Tout est parti d’une amie professeure qui a proposé à sa classe de 4ème de faire un compte rendu de leur visite au musée sous forme de roman graphique. Les scolaires travaillent de plus en plus sur les récits en images. Elle m’a demandé quels outils elle pouvait utiliser et nous avons réalisé qu’il n’existait rien de numérique et libre d’accès en France, le pays de la BD. Ça m’a vraiment surpris. De là est née l’idée de créer BDnf, une nouvelle typologie pour éditorialiser les contenus dans des formats qui plaisent aux jeunes. Il fallait se rapprocher de leurs usages pour faciliter l’accès à nos collections et la découverte de ce patrimoine. Mais sinon, dans l’équipe, on est tous adultes et on s’en sert tous les jours !
BDnf, comment ça marche ?
Y.K : Tout d’abord, il faut télécharger l’application. Ensuite, soit je crée un dessin que je prends en photo pour l’intégrer dans l’appli qui va le détourer, soit je prends une photo dans la rue ou qu’importe, que j’intègre de la même manière. Mais je peux aussi aller piocher dans la sélection d’images numériques ou aller carrément chercher dans le fonds de 6 millions d’œuvres numériques sur Gallica. Après, je choisis des bulles, des « Wizz », le format que je souhaite : un mème, un comic strip, un format webtoon*, une planche classique… Tout est gratuit, disponible sur tous les supports et tous systèmes d’exploitations. On peut s’en servir hors connexion. Quand ma création est achevée, je peux l’imprimer sous Jpeg ou PDF, l’appli permet même un passage vidéo pour les créations plus longues.
Peut-on diffuser nos créations publiquement, même si les images proviennent de Gallica ?
Y.K : Bien sûr. Nous mettons à disposition un outil, vous en faites ce que vous voulez. L’application sur smartphone est plus légère, elle favorise surtout la fonction de partage sur les réseaux sociaux par exemple. C’est un outil libre qui propose de la mise en page avec un bagage pédagogique. On fait de l’évangélisation autour de la BD, c’est une manière de faire connaître et de faire vivre notre patrimoine.
Est-ce qu’on ne gadgétise pas la BD avec ce genre d’outils ?
Y.K : Pas du tout. Nous proposons aussi une bibliothèque pédagogique dont le but est de faire comprendre aux plus jeunes comment raconter une histoire. Vous avez deux manières de l’appréhender. Par le script : on intègre un texte de Molière et après on fait des choix d’illustration, de composition de cases etc. Ou par les images, où inversement, on va devoir faire coller des dialogues existants aux images choisies. Il y a des fiches pédagogiques sur la création de personnages, comment structurer une case, etc. On a de très bons retours des auteurs, notamment des trois qui ont travaillé avec nous sur l’outil, qui nous disent que ça n’existe pas ! Si bien que nous allons rencontrer des éditeurs spécialisés (comme Delcourt) très prochainement, pour discuter d’une version à l’usage des professionnels.
Propos recueillis par Nathalie Troquereau
* webtoon : format BD imaginé spécialement pour les smartphones. Le lecteur fait défiler les images en scrollant sur son écran tactile.
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