Citoyenneté

L’illectronisme, le mal au-delà du mot

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À chaque corps de métier son jargon, ses acronymes, son entre-soi.

Quand on entre dans le milieu du numérique – versant social – les mots médiation, lien social, autonomisation ou dématérialisation reviennent sans cesse. Des petits e fleurissent comme préfixes de la modernité ; e-administration, e-inclusion, e-learning. Mais le mot pivot, celui sur lequel repose la mission cruciale de tous les acteurs du secteur, c’est l’illectronisme.
 
Illectroquoi ??? Word le souligne en rouge car il ne le reconnaît pas, mais votre père baby-boomer ou votre cousine de quinze ans écarquillent les yeux de la même manière, car eux non plus ne voient pas de quoi vous parlez.
 
Quand un problème de société porte un nom que tout le monde ignore, c’est assez symptomatique de la manière dont cette même société décide de s’en saisir.
 
L’illectronisme, contraction d’illettrisme et d’électronique, c’est tout simplement l’illettrisme en matière d’informatique, de numérique. Loin d’être anecdotique, il concernerait un quart des français. Difficile à cerner, ce que l’on appelle la fracture numérique ne touche pas que les seniors ou les personnes illettrées. Des citoyens de tout âge se retrouvent en situation de précarité, de dépendance, de grande détresse face au monde digital, et leur nombre s’accroît avec le tout dématérialisé. Certains, isolés ou mal orientés, ont pu perdre leurs droits au chômage, au RSA ou à la CAF faute de savoir renseigner leurs ressources sur les plateformes en ligne.

Les écrivains publics à vocation sociale voient affluer un nouveau public, sans pour autant disposer du personnel suffisant ni suffisamment formé aux nouvelles technologies. De l’autre côté, les médiateurs numériques sont sollicités pour effectuer des démarches administratives dont la responsabilité et le caractère confidentiel dépassent leurs attributions, voire leur vocation. En fait, c’est tout le champ social qui se retrouve submergé par le même problème : faute d’équipement, faute de transmission, faute de transition et de personnel déployé, un quart de la population (estimée) se retrouve abandonnée ou entre les mains des autres pour effectuer les démarches les plus élémentaires.

Quand on squatte les cafés de la médiation et autres journées dédiées aux questions numériques et sociales, on entend des récits stupéfiants. « On anime des ateliers savoirs de base, où on apprend aux gens à faire une majuscule, à envoyer un mail. On a parfois imprimé des claviers sur papier, pour qu’ils s’entraînent avant, sans pression. On a eu des départs en pleurs. Des parents qui découvrent la scolarité de leurs enfants parce que les notes ne sont désormais accessibles que sur Internet. On a dit à ces gens qu’ils avaient raté le tournant du numérique, donc ils pensent que c’est trop tard. » rapporte par exemple Mathilde, une médiatrice.  

Si l’illectronisme est le nouveau mot pour désigner le mal du siècle, son remède s’appelle l’e-inclusion.

Nathalie Troquereau

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Nathalie Troquereau

Journaliste, rédactrice de contenus pour Médias-Cité.