Fondée en 2009 par deux idéalistes engagés, Hello Asso s’est rapidement imposé comme l’outil préféré des associations. Leur idée est simple : créer un outil pour faciliter la vie des associations, leur faire gagner du temps sur les tâches les plus chronophages ou techniques en les aidant à récolter plus facilement des dons. Pour ça, ils développent une plateforme gratuite permettant aux structures de recevoir des paiements via Internet. Aujourd’hui, Hello Asso est utilisé par 125 000 associations dans le pays, c’est dire le manque qu’ils sont venus pallier. Une structure qui trouve gratuitement des solutions numériques pour tout ceux qui mènent bénévolement des actions d’intérêt général, voilà une belle mise en abîme de la solidarité. Pour discuter de ce projet un peu fou qui a fait ses preuves, Charlie Tronche, directeur de la communication et membre historique.
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Quels sont les outils que vous proposez aux associations et sont-ils open source et/ou libres ?
Charlie T : Nous proposons une solution de paiement en ligne qui se décline sous différentes formes. Si j’ai un projet, je peux lancer une campagne de financement participatif via Hello Asso. Je vends un panier de légumes ? Je demande un formulaire de vente en ligne. J’organise un événement type spectacle avec mon association ? J’ai un logiciel de billetterie en ligne à disposition. Enfin, j’ai un formulaire d’adhésion pour les futurs adhérents. Ce sont des solutions pour encaisser simplement.
Nos outils ne sont ni libres, ni open source. Nous sommes une solution de paiement, on gère 18 millions en ce mois de septembre. Si on était open source, c’est comme si une banque révélait où sont les gardes et les caméras de surveillance. C’est trop risqué. On nous le reproche souvent, mais il n’existe pas de solution de paiement libre. Dites-vous qu’il y a encore des gens qui ont peur de payer sur Internet… Mais nous sommes sensibles à un web solidaire, un web aujourd’hui monopolisé par les GAFAM, contre lesquels on se bat. Notre modèle est alternatif même s’il est propriétaire car tout est gratuit.
Peut-on dire que vous accompagniez les associations dans leur transformation numérique ou plutôt que vous les assistez pour les libérer des tâches qui passent par le numérique ?
Charlie T : Les deux. Nous avons les outils qui les assistent (évoqués plus haut), et nous les aidons aussi à comprendre la philosophie du web. Le monde associatif n’est pas né avec un smartphone dans la main, donc nous faisons de l’accompagnement à la transformation numérique auprès des tissus associatifs locaux. Nous coachons les têtes de réseaux pour qu’elles transmettent à leur échelle les problématiques comme le RGPD par exemple ou plus simples, comment créer une page web avec un bouton « dons ». Notre apport est d’autant plus important pour les petites structures qui n’ont pas de salariés, pas d’argent et pas d’expertise en communication. Pour eux, on est un outil du quotidien. Mais ça peut aller de la petite association culturelle de quartier à la fondation du PSG, qui nous utilise pour récupérer des dons.
Justement, est-ce que vous sélectionnez les projets que vous accompagnez ?
Charlie T : Il y a trois règles. Un : il doit s’agir d’un projet collectif sous forme d’association, de fondation, de fédération. C’est un parti pris fort, parce que nous estimons que si plusieurs personnes se sont réunies autour d’une idée et ont pu obtenir le statut d’association, c’est que le projet est collectif, quel qu’il soit. Après, c’est une histoire de démocratie. Deux : Nous n’acceptons aucun projet politique, pour des raisons juridiques entre autres. Trois : il existe une charte éthique en ligne, qui stipule notamment qu’Hello Asso n’acceptera pas de projet qui encourage la violence ou la discrimination. Les associations anti-migrants par exemple, c’est non.
Peu de gens se payent dans le secteur associatif, beaucoup ne peuvent pas embaucher ni se former au numérique. Vous êtes une structure entièrement au service des associations et votre entreprise de soixante-dix salariés est en pleine santé. N’est-ce pas paradoxal ?
Charlie T : Le monde associatif compte 90 % de bénévoles et il est très peu aidé par les pouvoirs publics pour pouvoir se développer. Or, il subit des mutations, numériques mais aussi générationnelles (le responsable d’association moyen aujourd’hui a une soixantaine d’années et il est retraité). Si l’on regarde tout cela à l’aune des indicateurs purement économiques, c’est sûr que le monde associatif va mal. Mais la richesse peut être sociale, culturelle, environnementale…Nous n’avons jamais eut autant d’associations en France, le secteur est très dynamique et c’est une vraie richesse.
Parlons de votre modèle économique. Votre rémunération dépend entièrement des pourboires laissés par les gens qui donnent via votre plateforme. Le pourboire est toujours facultatif, et ce depuis la création d’ Hello Asso. Vous vivez quasiment une utopie concrète ?!
Charlie T : La liberté de choix, le fait d’être libre de donner ou pas au moment du paiement, a toujours été l’invariant de Hello Asso. Nous avons fait une levée de fonds en 2017 qui nous a permis de grandir et de déployer des antennes locales à Angers, Lille et Montpellier, où se font les opérations de coaching dont je vous parlais. Cela nous a permis de passer à l’échelle mais notre modèle en soi est viable. Nous sommes les premiers à l’avoir porté sur le web mais il est inspiré directement des associations. Dans plein de cafés associatifs, la boisson est à prix libre, on n’a rien inventé ! C’est intéressant de se dire que lorsque vous achetez un livre ou n’importe quoi, on ne vous demande jamais ce que vous pensez du prix et de la valeur estimée du bien que vous achetez. On ne vous demande jamais si vous êtes d’accord avec ça. Nous sommes les seuls à poser la question.
Vous avez des concurrents comme Yapla ou Lokalero. Dans le milieu de l’Économie Sociale et Solidaire (l’ESS), on les considère comme des renforts à la cause ou comme des concurrents au business ?
Charlie T : Nous proposons la même chose donc oui, nous sommes des concurrents. Le bénévole d’asso qui va chercher une solution de paiement pour ses bulletins d’adhésion aura le choix entre x, y ou z, donc on doit se distinguer des autres. Nous sommes la première plateforme sur le marché, on accompagne 125 000 associations mais il en existe 1,5 millions en France. Je pense qu’il y a de la place pour tout le monde. De plus, les associatifs sont un public très exigeant et les opportunistes seraient bien vite démasqués.
Travaillez-vous à un nouveau projet, site ou service chez Hello Asso ?
Charlie T : Oui, en partenariat avec HACKTIV, nous venons de lancer le site La rentrée des Assos. Il permet de trouver par thème ou géolocalisation les assos près de chez soi afin de se rendre à leur événement de rentrée pour les rencontrer. Cela permet de valoriser leurs actions pendant la période très importante de la rentrée car c’est là qu’on trouve de nouveaux adhérents et qu’on peut se faire connaître par plus de monde. Vu le contexte, c’est une rentrée pas comme les autres. L’impact est là, mais les acteurs associatifs sont résilients, centenaires. Ils pratiquent le système D depuis toujours et sont dotés d’une capacité à s’adapter insoupçonnée. On est très fiers de pouvoir continuer à les aider.