Solidarité numérique

Fondation Afnic, domaine de la solidarité

8 minutes

L’Afnic est l’association française pour le nommage Internet. Pour le dire plus simplement, ce sont eux qui s’occupent du .fr. En 2015, l’association crée la Fondation Afnic, dédiée à la solidarité numérique. Pour en savoir plus sur les actions de la fondation et sur le fonctionnement du .fr en général, Médias-Cité leur a envoyé quelques questions. La déléguée générale Isabel Toutaud nous a répondu. Interview fleuve pour torrent d’informations. La plus importante ? Choisissez le .fr, il est solidaire !

La Fondation Afnic est née de l’Afnic, racontez-nous la genèse et le pourquoi de sa création.

I.T : En 2012, lors de sa réponse à l’appel à candidature de l’Etat français pour gérer l’extension du domaine internet français, l’Afnic a pris l’engagement de créer un fonds et d’y verser chaque année 90 % du bénéfice réalisé sous l’extension.fr.  Ce fonds a pris la forme d’une fondation sous égide de la Fondation de France, dédiée à la solidarité numérique.

« Les bénéfices engrangés grâce au .fr doivent profiter à la collectivité, par le biais de la Fondation. »

En avril 2015, l’Afnic et la Fondation de France ont signé une convention visant à créer La Fondation Afnic pour la Solidarité Numérique. Dès lors, toutes les actions de l’Afnic et de son personnel visant à améliorer sa compétitivité et sa performance se retrouvent dans une augmentation des sommes versées à la Fondation. Nous sommes au cœur du modèle de l’Afnic, à but non lucratif, tout en illustrant le caractère de bien public du .fr. Les bénéfices engrangés grâce au .fr doivent profiter à la collectivité, par le biais de la Fondation.

En quatre ans d’existence, qu’avez-vous pu développer concrètement pour œuvrer à la solidarité numérique ?

I.T : Chaque année depuis 2016, nous lançons un appel à projets à thématique unique : le numérique au service de la solidarité. Ainsi ce sont 117 projets qui ont été soutenus, répartis sur tout le territoire national y compris les DROM/CROM et pour lesquels la Fondation Afnic a investi plus de 2, 7 millions.

Nous avons été les premiers à croire dans le chèque #Aptic, devenu le Pass Numérique soutenu par l’Etat français aujourd’hui, mais également dans le coffre-fort numérique Reconnect pour les personnes sans domicile fixe.

Nous soutenons également bon nombre d’ateliers numériques de formation pour apporter notre contribution à la lutte contre la dématérialisation des procédures administratives.

En parallèle, la Fondation Afnic peut soutenir des projets « pilotes » tels qu’une application pour smartphone pour rendre visible la pollution de l’air ou la réalisation d’une cartographie numérique pour relancer la pratique pastorale en Garrigue.

Projet de cartographie des chemins pastoraux Garrigues (2018)
Avez-vous un public prioritaire et si oui, lequel ?

I.T : Pour la plupart d’entre nous, le numérique facilite notre quotidien pour la recherche d’un emploi, d’un logement, ou la pratique de nos loisirs. Mais il peut aussi créer de l’exclusion en particulier chez les personnes âgées, les jeunes non diplômés, les ménages à bas revenus, les personnes en situation de handicap, les personnes sans domicile fixe. Ce sont eux nos publics prioritaires.

Nous tentons de contribuer au développement d’un internet plus solidaire pour faire du numérique un levier d’insertion pour une société plus équitable. Nous aidons notamment la Fédération des Banques Alimentaires en soutenant l’informatisation de la gestion des bénévoles.

La fondation puise ses financements grâce aux recettes obtenues avec le .fr. Rendre le .fr gratuit ne serait-il pas, en soi, un acte de solidarité numérique ?

I.T : Je change de casquette pour répondre à votre question. Je ne suis plus la déléguée générale de la Fondation mais une salariée de l’Afnic.  Du point de vue de l’Afnic, la gratuité du .fr diminuerait largement sa dimension solidaire.

Premièrement, parce que les titulaires des 3.4 millions de noms de domaine enregistrés en .fr ne représentent pas la totalité de la société française. L’Afnic travaille à démocratiser l’usage, mais le facteur prix (moins de 5 euros facturés par l’Afnic) n’est pas le facteur bloquant de l’appropriation du.fr.

« Le .fr est une des extensions au monde qui protège le mieux les données personnelles de ses utilisateurs. »

De plus, les recettes du .fr servent avant tout à le faire fonctionner. Sans recettes, le .fr serait sans moyens ! Aujourd’hui, une fois que la sécurité, les serveurs, les bases de données sont financées et le personnel qui s’occupe du .fr payé, les bénéfices générés par l’activité doivent être en quelque sorte rétrocédés à la collectivité, via la Fondation Afnic.

En bref, un .fr gratuit équivaudrait à ne plus avoir les moyens de la solidarité numérique portée par le .fr. Cela assècherait les moyens de la fondation, et bénéficierait éventuellement aux seuls titulaires du .fr, qui ne sont pas les personnes les plus éloignés du numérique. Enfin, la gratuité sur Internet est toujours un concept à interroger, en se rappelant du fameux adage « si c’est gratuit, c’est vous le produit ». Or, le .fr est une des extensions au monde qui protège le mieux, et depuis le plus longtemps, les données personnelles de ses utilisateurs.

Dans un monde virtuel et transfrontières tel que celui proposé par Internet, cela a-t-il un sens de garder son identité nationale via le .fr, .be, .ca etc ? Le web a-t-il toujours été nationalisé par les noms de domaines ?

I.T : À l’Afnic, nous ne pensons pas que l’Internet abolisse les frontières, pas plus d’ailleurs qu’il n’abolit la réalité.

En tant qu’opérateur d’infrastructures de l’Internet, nous pouvons vous confirmer que ces dernières sont d’ailleurs tout sauf virtuelles. Ce sont des tuyaux, des serveurs, des bases de données, installés physiquement quelque part.  Et d’ailleurs, il n’existe pas d’extension Internet purement mondiale, pas plus que le .fr n’est purement national. Il faut se rappeler que le .fr est ouvert à toutes les personnes résidant sur le territoire de l’Union européenne. De plus, le .fr s’adresse au monde entier. Il indique simplement trois choses importantes :

Pour les internautes français, la proximité. En effet, il est géré et opéré en France par l’Afnic et soumis aux lois françaises.

Pour les internautes du monde entier, c’est l’idée d’une provenance française, ou d’une proximité quelconque avec la France. Les grandes entreprises globales l’ont d’ailleurs bien compris. Si vous tapez Google dans Google et que vous êtes en France, la première réponse sera google.fr. Personne ne croit pour autant que cette entreprise soit française.

Peut-être grâce à vous qui faites connaitre l’activité de la Fondation Afnic, l’idée que l’usage et l’enregistrement d’un .fr comporte une dimension solidaire, que d’autres extensions n’ont pas.

Enfin, il n’existe pas d’extension de noms de domaine « mondiale ». Le .com, ce n’est pas mondial, c’est américain, et ça ne veut pas dire « mondial » dès l’origine, mais « commerce ».

L’Afnic et la fondation travaillent-elles ensemble ou séparément ? Quel est votre fonctionnement ?

I.T : L’Afnic et la Fondation Afnic travaillent de concert. En créant sa fondation, l’Afnic a souhaité participer à l’émergence ou au soutien de projets structurants et de terrain, ayant pour but soit d’utiliser Internet à des fins de solidarité sociale et économique, soit de diffuser les usages et les connaissances sur Internet, dans un but de développement de la solidarité sur le territoire français.

Sur les 9 personnalités qui composent le comité exécutif de la Fondation Afnic, 6 travaillent à l’Afnic, l’ont dirigée ou sont membres de l’association.

Nous avons fait le choix de demander à la Fondation de France si elle pouvait héberger la notre, ce qu’elle a accepté. Cela veut dire que la personne morale qui porte la Fondation Afnic, c’est la Fondation de France.

En faisant ce choix, l’Afnic a accepté de se plier aux règles de la Fondation de France, notamment en termes de méthodes de sélection, de transparence, de type de bénéficiaires qui ne peuvent pas être à but lucratif, et bien entendu, de gestion financière de la fondation. Pour les bénéficiaires, la Fondation Afnic hébergée à la Fondation de France représente une garantie de sérieux et de professionnalisme dans la sélection et le suivi des projets.

Pour finir, quels sont les futurs outils ou projets en cours sur lesquels vous travaillez et dont vous aimeriez nous parler ?

I.T : Nous sommes à la fin du processus de sélection des lauréats 2019. Sans dévoiler les résultats, je peux annoncer un nombre record de projets soutenus !

Photo des lauréat.e.s de 2018

Nous organisons en novembre à Paris, les Rencontres Solidarité Numérique – un évènement qui, s’il ne devait être qu’une célébration unique de notre premier appel à projets en 2016, est devenu au fil des années un moment d’échanges, un lieu de rencontre entre projets qui ont abouti cette année à du troc de compétences et une réplication de projets sur d’autres territoires.

Nous travaillons également à l’appel à projets 2020 : sans modifier la thématique qui est la nôtre depuis le début, nous réfléchissons à innover dans le processus de sélection, compte tenu du nombre croissant de dossiers reçus et de notre volonté de conserver un certain équilibre entre les projets répondants aux besoin de terrain et des projets un peu plus innovants, plus risqués. Nous proposerons également des chèques consultants, destinés aux projets pour lesquels un peu d’aide méthodologique serait utile, ou à ceux qui nous ont fait remonter des besoins supplémentaires lors des sélections.

Enfin nous continuerons les évaluations des projets soutenus les années passées : nous avons ouvert ce chantier cette année. Il nous semble important de faire un bilan objectif des résultats des actions des projets soutenus, pour nous guider dans nos choix futurs.

Propos recueillis par Nathalie Troquereau

Nathalie Troquereau

Nathalie Troquereau

Journaliste, rédactrice de contenus pour Médias-Cité.

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