Edito

Edito – Le vote en ligne, la fausse bonne idée

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Alors que l’abstention pour le premier tour des élections législatives de 2022 a atteint 52,49 %, imputée en grande partie aux « jeunes », ces humains qui passent trop de temps « scotchés à leurs écrans », la question du vote en ligne se pose. Cette digitalisation permettrait-elle de mieux impliquer ce public parfois éloigné de la chose politique, perçue sous un angle poussiéreux par ceux qui ignorent la télé, les JT, les émissions de débats et tous ces vieux commentateurs cendrés aux idées calcinées ? Mettons-nous à leur place. On n’y parle que des retraites quand eux n’ont même pas commencer à travailler ou à peine ! On leur dit qu’une augmentation de salaire serait létale pour l’économie du pays, mais qu’il va falloir aller bosser et plus vite que ça, au lieu de se refiler le covid en boite de nuit et d’aller faire la queue au CROUS pour un repas à un euro. Basta. Allez voter, bande d’inconscients ! leur intime-t-on sur les plateaux. On ne vous apprend donc plus ça à l’école, l’importance du vote ?! Désespérante génération, à peine majeure et déjà coupable de tant de maux de la société actuelle et future. Ça donne envie d’éteindre le téléviseur de papi et d’aller mater le dernier épisode d’Hugo Décrypte, si jamais on avait envie de s’intéresser à tout ça. Marre de se faire insulter par des vieux qui ne nous demandent jamais notre avis.

On regarde plutôt à quelle soirée on va aller. On envoie des selfies à son crush, on mate sur Vinted si on trouve une robe pas trop cher et on décide qu’on mangera demain. On sait que les vieux foutent la planète en l’air et qu’on n’y peut rien. On a pas envie de penser à l’échec ParcourSup et à l’engueulade monstrueuse que ça a occasionné avec ses parents. Voilà, si on veut essayer de se mettre dans la tête d’un.e jeune, ce que ça pourrait donner. Du coup, les élections passent à la trappe. Pas l’impression d’être concernés, « les jeunes ». Et puis, pourquoi on ne peut pas le faire en ligne ??? C’est le Moyen-Âge votre truc ! pensent « les jeunes » très fort. Alors peut-être qu’en faisant un pas vers eux, on gagnerait des citoyens plus engagés dans la vie publique. Sauf que, même si on dématérialise tous les services et administrations à tour de bras, l’usine de la digitalisation s’arrête au vote.

Le principe historique d’aller glisser son bulletin dans une urne transparente après l’étape de l’isoloir et contrôle sérieux des papiers d’identité, ne peut être répliqué sur le web en offrant la même fiabilité. Car qui peut garantir qu’il n’y aura pas de revente d’identifiants pour acheter des votes ? Qui peut assurer que l’électeur, au moment de cliquer pour voter, ne sera pas soumis à une menace ou une pression exercée par une personne à ses côtés ? Les plus paranoïaques auront de suite l’image d’un militant tenant en joue un pauvre électeur derrière son écran, le doigt tremblotant sur sa souris. Vient s’ajouter le problème d’un possible hacking par un parti ou même par une puissance étrangère, qui aurait des intérêts à faire élire tel ou telle candidat.e. Bref, trop d’incertitudes compromettent l’idée pourtant très séduisante d’un vote en ligne, dont chacun pourrait s’acquitter depuis la plage ou tout autre lieu, excepté les zones blanches.

Reste alors à tenter d’intéresser les jeunes abstentionnistes autrement qu’en leur offrant le pouvoir de voter via leur smartphone. Le problème va bien au-delà du support et de la contrainte de se déplacer en bureau de vote. Tant qu’ils seront écartés des débats, absents de trop de programmes et peu rompus aux concepts élémentaires du fonctionnement d’un État et d’un Parlement, voter ne leur semblera jamais nécessaire ni utile.

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Nathalie Troquereau

Pour aller plus loin :

https://www.numerama.com/politique/759304-pourquoi-le-vote-en-ligne-nexiste-toujours-pas-en-france-pour-les-elections.html

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Nathalie Troquereau

Journaliste, rédactrice de contenus pour Médias-Cité.

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